Les collectivités n’ont pas attendu la réforme des rythmes scolaires pour investir le champ des politiques éducatives. D’ailleurs, celles qui ont noué des partenariats en amont semblent avoir eu plus de facilité à intégrer la réforme.
L’implication des communes dans les politiques éducatives locales est très hétérogène. Dans l’enquête (1) menée par l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes (Andev), 48 % des adhérents ont rapporté avoir élaboré un projet éducatif local (PEL) ou global (PEG), avant la mise en place de la réforme.
Le PEL, plus global que le projet éducatif de territoire (PEDT), est à l’initiative des collectivités. Il invite à créer des synergies sur le territoire, à valoriser les actions et à remettre l’enfant au cœur du dispositif. D’ailleurs, « les collectivités qui ont un PEL peuvent généralement plus facilement faire un PEDT, rapporte Alain Bocquet, ancien directeur de l’Éducation de la ville de Nanterre (Hauts-de-Seine). Et celles qui n’en ont pas peuvent déjà commencer par le PEDT pour ensuite envisager un aspect plus global. »
Projet local
Pourquoi ? Parce qu’avec le PEL, la volonté des collectivités de nouer des partenariats avec les autres acteurs du champ éducatif – enseignants, animateurs, associations – est clairement affichée, et non imposée par une réforme. L’objectif des collectivités est de « trouver une continuité et une complémentarité sur les temps scolaires et périscolaires », explique Anne-Sophie Benoît, présidente de l’Andev et directrice de l’enfance et de la jeunesse à la ville de Dunkerque.
L’objectif des collectivités est de trouver une continuité et une complémentarité sur les temps scolaires et périscolaires.
Ce dispositif repose sur des réflexions d’enseignants, d’éducateurs, d’élus et de parents qui considèrent l’enfant et l’éducation dans leur globalité. L’objectif est généralement de renforcer la cohérence éducative entre les acteurs ou encore de permettre à tous les jeunes une égalité d’accès aux pratiques culturelles, récréatives et sportives. Il en ressort que l’enfant doit être approché dans ses différents temps de façon coordonnée et concertée.
« La notion de projet, de politique éducative locale, est aussi vieille que la notion de commune, poursuit Alain Bocquet. Nous sommes dans un groupe de proximité, et nous essayons de vivre ensemble et de nous occuper de nos enfants ». C’est primordial, car l’État ne peut organiser seul le temps éducatif. « L’aspect éducation scolaire n’est aujourd’hui qu’un petit élément », ajoute-t-il. L’enfant ne passe qu’une partie de son temps à l’école. Pour le reste, la collectivité doit prendre le relais en prenant en compte les besoins et les ressources disponibles.
Instaurer du temps commun
À titre d’exemple, dès 2001, la ville de Lille a affiché une volonté politique de s’occuper des enfants en situation d’échec. « L’idée municipale était de dire qu’il fallait instaurer, à côté des temps scolaires, des espaces éducatifs avec des activités autour de la musique, de la lecture, du sport, de la nature et de l’environnement », souligne Alain Thirel-Dailly, ancien directeur du PEG à la mairie de Lille. La collectivité a souhaité que ces temps soient en articulation et en complémentarité avec le travail mené pendant le temps scolaire, en instaurant des passerelles et du temps commun.
Lille a souhaité que ces temps soient en articulation et en complémentarité avec le travail mené pendant le temps scolaire, en instaurant des passerelles et du temps commun
Elle a par exemple travaillé sur un projet musical au niveau scolaire et périscolaire, avec un travail conjoint entre la collectivité, des musiciens et les professeurs, « sans pour autant demander aux uns de faire à la place des autres », précise Alain Thirel-Dailly.
La façon dont les collectivités présentent leur projet au monde enseignant est déterminante. Il ne s’agit pas d’imposer, mais de discuter et de se concerter, en réunissant l’ensemble des acteurs du secteur dans une logique de démocratie participative.
Témoignages
Alain Thirel-Dailly, ancien directeur du projet éducatif global à la mairie de Lille.
« Il faut aller plus loin en articulant mieux les temps »
« À Lille, la réussite de notre travail complémentaire entre le temps scolaire et le périscolaire, notamment dans le domaine musical, démontre réellement l’importance de la notion d’aménagement du temps de l’enfant, et non des rythmes scolaires ! Des enfants qui sont en échec à l’école et qui n’arrivent pas à se concentrer, y parviennent sur certaines activités périscolaires. Par exemple, lorsque nous les avons fait travailler sur du steeldrum, ils ont réussi à se concentrer pendant dix minutes sur une même activité. Les enseignants ne comprenaient pas ! Les enfants ont vécu une situation de réussite, et leurs parents aussi. Il faut aller encore plus loin que les rythmes en articulant mieux les temps. »
Alain Bocquet, ancien directeur de l’Éducation de la ville de Nanterre (Hauts-de-Seine)
« À chacun sa responsabilité »
« Le système public de l’éducation repose depuis 1830 sur un attelage à deux têtes, piloté par l’État et la commune. Chacun détient une responsabilité et une légitimité différente aux côtés de celle, essentielle, des parents. Mais, avec l’enfant au milieu, il a toujours été pensé que les deux acteurs publics devaient se coordonner. Cela s’avère parfois compliqué. Les communes ont toujours été très impliquées, ce sont même elles qui inventent certaines organisations, mais comme l’État réglemente, cela laisse croire que c’est l’inverse. »
Anne-Sophie Benoît, présidente de l’Andev et directrice de l’enfance et de la jeunesse à la ville de Dunkerque
« Dresser ensemble les axes d’une politique éducative »
« Le PEL est la traduction d’une politique volontariste. C’est un outil de collaboration qui permet de fédérer toutes les initiatives et qui permet à l’Éducation nationale de dire qu’elle est partie prenante. Il crée des liens là où il n’y en avait pas. Quand une collectivité territoriale a élaboré un diagnostic, un état des lieux et que les moyens ont été mobilisés, il est possible de dresser ensemble les axes d’une politique éducative et ainsi tendre vers une meilleure réussite des enfants, notamment sur les territoires d’éducation prioritaire. »
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Enjeux territoriaux, Réforme des rythmes scolaires